Lancement de la pensée Le 14 avril 2025
Les précurseurs : les lanceurs de pensée Marc Ballanfat

   Pour caractériser le crime imputé aux accusés de Mazan, il peut être utile de faire un détour par le plus célèbre des traités de droit de l’hindouisme, appelé Les lois de Manou (Manavadharmashastra). Dans le Livre III, l’auteur énumère les huit modes possibles et acceptables moralement d’union sexuelle. Après avoir décrit chacun d’eux, il aborde le dernier, qu’il rejette sans appel : « Lorsqu’un amant s’introduit secrètement auprès d’une femme endormie, ou enivrée par une liqueur spiritueuse, ou dont la raison est égarée, cette exécrable union, appelée mode des Vampires, est la huitième et la plus vile. » (Lois de Manou, III. 34 ; Paris, Éditions d’aujourd’hui, 1978). Ne dirait-on pas que le juriste hindou évoque la façon dont les viols ont été commis sur la personne de Gisèle Pelicot ?

   Tous ces violeurs ressemblent à des vampires, assoiffés de sexe et prêts à tous les excès pour assouvir leur désir. S’ils ont épuisé l’énergie vitale de leur victime, qu’ils ont vidée de sa substance, la raison en est qu’ils lui refusent la conscience. Cela signifie clairement que les violeurs nient l’existence de la conscience dans la proie qu’ils convoitent. Le sommeil chimiquement obtenu par Dominique Pelicot renvoie à la disparition de toute subjectivité : un corps sans conscience est offert à une consommation sans retenue. Le viol est bien l’acte d’un vampire qui se nourrit de la vie de sa proie, niant sa qualité d’être humain, la réduisant à une poupée sexuée vivante, pleine d’un suc vital que l’on peut absorber jusqu’à jouissance. Ces hommes se sont comportés comme des vampires, ivres de la substance sexuelle d’une femme sans conscience, telle la princesse des contes, offerte virtuellement en oblation au désir débridé des mâles, avant d’être sauvée par le prince charmant. Mais il n’y a pas eu de « Prince charmant » pour délivrer Gisèle Pelicot.

   Si l’on demande pourquoi il importe que la femme violée soit inconsciente, voici la réponse : dans l’absence de regard et de réciprocité, le violeur trahit son manque d’assurance, son incapacité à supporter le regard de l’autre. Tout se passe de façon unilatérale, de violeur à violée, sans retour possible, parce que le mâle n’a que faire de la réponse à son désir. Il s’affirme sans attendre de réponse, il jouit même de l’impossibilité qu’elle a de répondre à son désir de puissance. Car il sait qu’aucune femme (sauf exceptions de perversité) n’est disposée à se soumettre passivement au désir masculin de domination. C’est une vérité humaine universelle.

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